Le Temps (20.04.2022) - La guerre en Ukraine se traduit par un contexte particulier et des phénomènes exceptionnels, indique Michaël Lok, Group Chief Investment Officer de l’UBP.
En cette année 2022, les investisseurs devraient-ils appliquer l'adage boursier «Sell in May and go away» (vendre en mai et partir)? Le contexte actuel est particulièrement incertain entre la normalisation de la reprise post-covid, la guerre en Ukraine, l'inflation élevée et le confinement de certaines régions chinoises qui pénalise les chaînes d'approvisionnement internationales, sans oublier le relèvement des taux d'intérêt par les banques centrales et des marchés actions ou obligataires dans le rouge depuis le début de l'année. Certains observateurs estiment que mettre en oeuvre le dicton boursier cette année les protégerait des difficultés à venir. Ce n'est pas l'avis de Michaël Lok, Group Chief Investment Officer de l’Union Bancaire Privée (UBP).
Est-ce le moment de se préparer à vendre en mai et rester à l'écart des marchés?
Il faut tout d'abord comprendre que nous nous situons dans une année de redistribution des cartes, sur un rythme très rapide et avec le facteur aggravant de l'inflation. Nous savions que le premier semestre serait compliqué, après deux ans de forte reprise post-covid et avec la normalisation des politiques des banques centrales. Nous nous attendions à de l'inflation, à une décélération de la croissance en seconde partie d'année, ainsi qu'à des bénéfices plutôt solides, sur des marchés légèrement tendus. Ce qui poussait à ne pas vendre en mai. Mais la guerre en Ukraine a changé la donne.
De quelle façon?
Le conflit a renforcé les pressions inflationnistes. L'élément clé sera d'observer comment une banque centrale, la Réserve fédérale en particulier, parvient à normaliser ses taux dans un environnement inflationniste.
Les taux longs américains ont beaucoup progressé ces dernières semaines, mais les marchés actions ont vu leur recul se limiter à 6-7%, ce qui est historiquement modéré dans un tel contexte et témoigne de leur robustesse. La remontée des taux courts, nécessaire pour lutter contre l'inflation, risque-t-elle d'engendrer une décélération marquée des économies fin 2022 ou en 2023? La question demeure ouverte, nous n'avons pas encore pris de décision.
Comment se positionner sur les marchés, alors?
Nous ne prévoyons pas d'investissements tactiques en mai. Nous avions allégé notre exposition aux actions en fin d'année et, depuis, nous sommes neutres [à l'UBP, un portefeuille équilibré comprend 50% d'actions, ndlr]. Mais nous sommes largement revenus sur les hedge funds (en particulier sur l'arbitrage de crédit). Ceux-ci étaient jusque-là quasiment inexistants au sein de l'allocation et pèsent actuellement environ 15%. Nous n'allons certainement pas nous «mettre en cash» et nous déconseillons de faire du market timing; il faut savoir faire preuve d'humilité.
Toutefois, nous avons aussi pris des protections sur les actions, qui ont une maturité jusqu'à décembre, pour faire face à d'éventuelles mauvaises nouvelles à venir. Le scénario sera gris ou neutre sur les actions; il sera surtout essentiel d'éviter un accident lié à la remontée des taux.