La tendance des bénéfices des sociétés américaines est à la baisse. Sans reprise, le marché actions deviendrait surévalué.

L’optimisme post-élections américaines s’est estompé. Le retour de Donald Trump à la présidence laissait entrevoir un marché actions américain florissant et une progression soutenue des revenus des entreprises domestiques. La réalité est loin d’être aussi éclatante. Ces dernières semaines, la tendance des bénéfices a changé de cap et ce retournement s’est accéléré fin janvier avec une croissance passant de 15% à 10% sur l’ensemble des secteurs. Cette inflexion reflète les tensions géopolitiques, les incertitudes autour de la croissance américaine et des taxes douanières, ainsi que la montée des anticipations d’inflation.

Un cycle de plus en plus incertain

Les premières mesures du président visant le Canada, le Mexique et la Chine ont ravivé le spectre d’une guerre commerciale. Sa politique tarifaire se positionne désormais comme un levier stratégique mêlant objectifs commerciaux, industriels et politiques, avec une finalité claire: financer les baisses d’impôts. Sous l’effet des inquiétudes liées à l’inflation et à l’emploi, le moral des consommateurs a fléchi à son niveau d’avant l’élection.

Du côté des industriels, l’incertitude entourant les hausses des droits de douane, susceptibles de perturber les chaînes logistiques, pèse également sur la confiance des entreprises. Ce climat de doute pourrait freiner les dépenses d’investissement (capex), compromettant ainsi la dynamique de croissance au premier trimestre. Une certitude demeure: la visibilité sur le cycle s’amenuise. Or, le marché en a précisément besoin pour préserver son élan, à un moment où les valorisations boursières restent tendues.

Par nature stagflationniste, l’agenda politique du nouveau président nourrit les anticipations d’inflation. La Fed pourrait dès lors être contrainte de resserrer sa politique monétaire, à rebours des attentes de détente des marchés.

Des résultats robustes, mais un retournement de tendance

Des bénéfices supérieurs à leur moyenne historique ont marqué la saison des résultats pour le quatrième trimestre 2024. Ceux-ci ont enregistré une croissance annuelle de 16% pour le S&P 500, un plus haut en trois ans. Pourtant, après la publication des résultats, les actions américaines ont reculé, prises en étau entre un positionnement excessif des investisseurs sur le secteur technologique et des attentes de bénéfices déjà élevées. Le ratio cours/bénéfices sur croissance (PEG) 2025 s'inscrit désormais à 2,2, soit un ratio cours/bénéfices (P/E) de 22 fois, divisé par une croissance des bénéfices de 10%. Le ratio PEG a donc augmenté par rapport au début de l'année, lorsqu’il s’établissait à 1,46, reflétant alors des attentes de croissance des bénéfices plus optimistes, estimées à 15%.

A l’inverse, les actions européennes ont, en moyenne, mieux résisté après la publication de leurs résultats, grâce à des révisions de croissance des bénéfices plus favorables qu’outre-Atlantique. Alors que les révisions de croissance des bénéfices par action du S&P 500 sont orientées à la baisse, celles des entreprises européennes se maintiennent autour de 8%.

En termes de valorisation, le S&P 500 affiche un multiple de 22 fois les bénéfices prévisionnels, un niveau élevé. Cependant, cette prime s’explique par la forte pondération du secteur technologique: 42% en incluant les «Magnificent 7». En revanche, l’indice S&P 500 Equal Weight (équipondéré), qui corrige ce biais, présente un ratio P/E prévisionnel de 18, légèrement au-dessus de sa moyenne sur 10 ans. De leur côté, les «Magnificent 7» se négocient à 31 fois les bénéfices prévisionnels, un niveau également un peu plus haut que leur moyenne sur 10 ans.

Stratégies de protection

Bien que l’environnement puisse ralentir la dynamique des actions américaines en 2025, la croissance des bénéfices devrait continuer à afficher deux chiffres, soutenant une performance boursière positive, même s’il semble plus difficile de répliquer celle de 2024. A ce stade, seule une surprise négative majeure pourrait déclencher une correction.

Dans ce contexte, nous continuons de privilégier les actions américaines, tout en suivant une approche prudente. Les stratégies de protection, notamment au travers des options, apparaissent comme un levier efficace pour capter le potentiel haussier, tout en maîtrisant l’impact de la volatilité.


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