Les observateurs s'attendaient à une hausse du dollar. Pour autant, ils n'avaient pas anticipé les décisions imprévisibles de la nouvelle administration américaine concernant les droits de douane.
Trauma douanier
Depuis l'investiture de Donald Trump, le dollar s’est déprécié d’environ 5%, et cette tendance s’est généralisée face aux devises des marchés émergents et des pays du G10. Les couronnes suédoise et norvégienne ainsi que le yen sont les monnaies qui ont le plus progressé face au billet vert. Le marché des changes est donc en train de passer d'un régime de carry trades centré sur le dollar à un régime favorisant les devises sous-évaluées.
A contrario, les investisseurs tablaient sur une revalorisation, servie par le ‘Trump Trade’, combinant déréglementation économique, droits de douane en hausse, et taux d'intérêt élevés.
La rhétorique face à la réalité
De l'avis général, l’augmentation des droits de douane aurait dû entraîner une appréciation du dollar, du fait de la baisse des importations et de l'amélioration de la balance commerciale attendues. Cela n'a pas été le cas, ce qui reflète la nature équivoque des annonces ainsi que l’incertitude autour de la position finale des Etats-Unis s’agissant des droits de douane. Les déclarations de Donald Trump et le retrait ultérieur des mesures visant le Canada et le Mexique en sont un parfait exemple. Ce revirement a engendré une quasi-stagnation de la parité euro/dollar malgré la promesse de hausse des taxes douanières sur les marchandises européennes. En la matière, les investisseurs ne savent dès lors plus à quel saint se vouer.
Il existe étonnamment peu de recherches universitaires traitant de l'effet des droits de douane sur les devises. Cependant, il est généralement admis que l'incidence initiale est une appréciation de la devise du pays qui les impose, en raison des changements induits dans la balance commerciale. Les conséquences sur le plan économique tendent ensuite à se normaliser.
Se pose également la question de l'échelle et de la taille. A partir de 2018, Washington a assujetti Pékin à des droits de douane, qui ont été levés lorsque la Banque populaire de Chine a orienté le yuan à la baisse. Récemment, les Etats-Unis ont imposé des taxes douanières en même temps à la Chine, au Canada et au Mexique, puis ont menacé de les appliquer à l'UE; et loin de s'apprécier, le dollar s'est affaibli.
Depuis la réélection de Donald Trump, la confiance des consommateurs américains s'est détériorée, signe d'une incertitude accrue vis-à-vis des droits de douane. Les taux d'intérêt américains à long terme ont reculé, et l'effet de portage du dollar sur la plupart des devises du G10 et des marchés émergents s'est ainsi contracté.
Changement de valorisation
Le dollar s'échangeait à des niveaux records depuis plusieurs décennies. Sa surévaluation est l'une des principales raisons du déficit commercial des Etats-Unis; ainsi l'administration américaine devrait se réjouir de l’affaiblissement du billet vert, d’autant qu’une nouvelle baisse ne semble pas impossible. Les annonces de l’Allemagne en matière de dépenses publiques changent la donne puisqu’elles pourraient dynamiser l’activité de la plus grande économie européenne, alors que les Etats-Unis devraient connaître une croissance plus lente et une contraction budgétaire modérée (DOGE, etc.). En d'autres termes, un euro plus fort contribuerait davantage à réduire le déficit commercial américain que ne le ferait l’augmentation des droits de douane.