L’afflux de fonds est positif cette année dans les hedge funds, note Nicolas Faller, de l’UBP, qui indique aussi ses préférences obligataires et dans les actions.

Ceci est un extrait de l'interview publiée dans Allnews, disponible ici

L’UBP se rapproche de la barre des CHF 200 milliards sous gestion. L’établissement genevois a en effet procédé à deux acquisitions dans le private banking, qui viendront ajouter CHF 25 milliards aux CHF 150,8 milliards atteints à la fin juin. Mais comment se développe l’asset management? Quelles sont les pistes de croissance et quel est le comportement des clients? Nicolas Faller, Co-CEO de l’Asset Management à l’UBP, répond aux questions d’Allnews.

Prenons l’intelligence artificielle (IA), la transition énergétique et la classe d’actifs des hedge funds. Quelle piste est la plus prometteuse?

L’IA, la transition énergétique et les hedge funds sont tous trois prometteurs. Tout dépend de la construction du portefeuille. Le client doit être conscient qu’avec une part de 80% dans les fonds thématiques, son portefeuille peut voir sa volatilité grimper à 20 ou 30%. Il faut comprendre que nous vivons dans un monde de ‘décumulation’.

Qu’entendez-vous par une décumulation?

Cela signifie que l’essentiel des richesses de la clientèle privée sont détenues par des clients qui ont davantage besoin d’un flux de revenus que de gains en capital. Sous l’effet des tendances démographiques, la clientèle vit plus longtemps. Elle cherche moins à parier sur une thématique comme l’IA qu’à protéger son patrimoine afin de le transmettre à la prochaine génération.

Cet environnement est structurellement plus favorable aux produits à revenu tels que les obligations. Le même phénomène s’observe du côté de la clientèle institutionnelle en raison de ses besoins de financement des retraites.

Tant que l’IA profite d’une croissance des bénéfices soutenue, il n’y a pas de problème, mais l’attention des marchés s’est tellement concentrée en août sur le résultat d’une seule société, Nvidia, que cela a pris des proportions inimaginables. Le gérant d’un portefeuille ne peut pas être tributaire d’une forte réaction d’un seul titre. Certaines valorisations sont telles qu’une croissance légèrement inférieure aux attentes peut aboutir à des sanctions vertigineuses.

Est-ce une raison pour redécouvrir les hedge funds?

La dislocation est telle sur certains secteurs que l’élastique finira par céder. Les gérants de hedge funds sont les mieux équipés pour tirer parti de ces nouvelles inefficiences de marché.

Plusieurs facteurs me rendent optimiste vis-à-vis des hedge funds, comme l’environnement de taux d’intérêt positifs, l’assainissement du marché illustré par la disparition de nombreux gérants alternatifs, et surtout la dislocation de marché, qui, pour la première fois depuis dix ans, génère des revenus.

Le rendement net des portefeuilles de hedge funds atteint 6% en CHF depuis le début de l’année, et il se situait entre 10 et 12% sur l’ensemble de l’année 2023. La performance est supérieure à celle des obligations. Nous revenons à un régime favorable aux hedge funds.

Est-ce que vous enregistrez un afflux de fonds dans les hedge funds?

Oui, nous commençons à observer cette tendance. Beaucoup de clients qui avaient noté la faible performance des hedge funds entre la crise financière et 2020 se mettent à réaliser que cette classe d’actifs affiche à nouveau de bons rendements, et ils les intègrent donc dans leur allocation d’actifs.

Quels segments de hedge funds sont les plus intéressants actuellement?

Nous apprécions moins le segment de «l’event-driven» que le «global macro» et l’arbitrage de crédits, et devenons plus positifs sur le «long/short equity». Nous nous attachons à bien diversifier l’exposition afin d’obtenir un profil de risque qui s’apparente à la volatilité du crédit.

Est-ce que le marché des hedge funds s’est fortement restreint?

Les investisseurs se sont partiellement retirés des hedge funds en Europe, alors que le marché est resté stable aux Etats-Unis. L’Europe, qui avait découvert plus tardivement les hedge funds, a subi de plein fouet la crise de 2008.

L’industrie des hedge funds a beaucoup changé, par exemple en termes de transparence. Nous sommes convaincus de son potentiel en vertu des changements structurels évoqués.

Nous sommes d’ailleurs le seul grand établissement bancaire suisse à avoir maintenu de solides capacités dans ce domaine, dans la gestion, le «due diligence», la construction de portefeuille et le «reporting».

Ce phénomène s’explique aussi par le comportement de banques qui se sont désengagées des hedge funds pour se concentrer sur les marchés privés. L’UBP a développé ces derniers mais sans réduire ses activités dans les hedge funds.

Que représentent les hedge funds dans les portefeuilles des clients?

Les hedge funds représentent environ 10% d’un portefeuille équilibré. C’est un niveau significatif alors qu’il est pratiquement nul dans de nombreuses banques.

Existe-t-il un risque de carrière pour le banquier, hors de l’UBP, où l’alternatif fait partie de l’ADN, à recommander les hedge funds?

Le gérant court un risque de carrière s’il propose les hedge funds à ses clients sans bénéficier du support nécessaire. La banque doit lui donner les moyens d’accompagner ses clients en lui offrant des solutions de portefeuilles ou de hedge funds individuels. Ce soutien est également nécessaire dans les marchés privés.

L’histoire de l’UBP dans les hedge funds nous permet aussi de donner aux clients l’accès à des produits qui restent inaccessibles dans d’autres établissements.

Je précise que ce n’est pas parce que les hedge funds font partie de notre ADN que nous investissons sans discernement ou que nous sommes dogmatiques. Au contraire, nous croyons fermement à leurs atouts, encore plus aujourd’hui qu’hier.

Quelles sont vos capacités dans les hedge funds?

Nous employons environ 25 professionnels uniquement sur cette classe d’actifs. Nous nous sommes rapprochés de nos clients et avons recentré nos activités en Europe, à Genève et Londres, avec des équipes de recherche, de gestion, de «due diligence», et de «reporting». Nous avons fermé notre présence américaine après avoir fait le constat que la proximité avec les gérants US induisait un comportement – dans le choix des fonds et la composition de portefeuille – qui était plus adapté à une clientèle américaine qu’européenne ou asiatique.

Enfin, nous disposons d’outils uniques et sommes les seuls à être capables de fournir un «reporting» à un client avec l’analyse consolidée de toutes ses positions de hedge funds auprès d’une autre banque.

La clientèle asiatique est-elle attirée par les hedge funds?

La clientèle asiatique est peut-être la plus intéressée à investir plus franchement dans les hedge funds. Deux mandats importants nous ont été confiés par deux grands gérants de fortune, à Hong Kong et Singapour. Le problème des investisseurs asiatiques est complexe. Historiquement centré sur les actions, le marché asiatique est très dépendant de la Chine, un marché qui restera durablement compliqué, davantage que celui des obligations chinoises.

Le marché asiatique s’est donc un peu déplacé vers le revenu fixe et vers des alternatives telles que les marchés privés, et maintenant les hedge funds, afin de viser 8 à 10% de rendement de plus que sur le revenu fixe. N’oubliez pas que cette clientèle n’a guère été pénalisée par les événements qui ont touché les hedge funds en 2008.

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