Investir (03.02.2020) - Interview avec Patrice Gautry, Chef Economiste de l'UBP
Qu'attendre des négociations sur la relation future entre Union européenne et le Royaume-Uni?
Les deux parties sont d'accord pour divorcer, mais comment reconstruire la relation est le sujet des négociations de l’année. L'objectif de Londres est d'obtenir un accès le plus large au marché européen, le moins coûteux, sans contrainte, et qu'il puisse être transposé aux pays hors de l’Union européenne. C'est la philosophie de Londres. L'UE, elle, est favorable à un accès mais avec des conditions en termes de tarifs, de segment de marchés (distinction entre biens et services) ou de règles comme la libre circulation des personnes.
La négociation va révéler ce que le Royaume-Uni est prêt à accepter, notamment en termes de respect des juridictions européennes, et ce que l’UE est prête à lâcher en termes de «barrières» à l'entrée du marché.
La deuxième difficulté est le délai imparti. Londres veut en finir avant la fin décembre 2020. La négociation devra être réalisée avant la fin du premier semestre pour laisser la place au travail législatif dans la seconde partie de l'année. Tous les Parlements de l’UE devront, en effet, adopter le même texte.
Quel est votre scénario le plus vraisemblable?
Deux grands modèles existent pour les échanges commerciaux entre les deux zones: la Norvège et la Suisse d' un côté, le Canada de l'autre.
Dans le cas du Canada, il n'y a pas de reconnaissance de juridiction européenne sur les échanges. Le commerce est régulé de manière libre sans réciprocité. Il n'y a pas de libre circulation des personnes. Les droits de douane sont plus faibles que dans le simple cadre régi par l'OMC, et ce sans dumping. Dans le cas norvégien et suisse, le libre commerce est assorti d'une liberté des mouvements des personnes, des capitaux. Les deux pays versent également une participation financière à Union européenne mais sans participer aux décisions. Evidemment, Londres préfère un accord du type de celui du Canada, voire plus large. Londres veut la plus grande liberté pour son secteur financier et surtout l'accès le plus large au marché européen. L'idée peut être un accord rapide type Canada avec des approfondissements programmés dans futur, sur des points ou des secteurs spécifiques.
Peut-on avoir un no deal?
Je n'y crois pas. S'il n' y avait pas d'accord, le divorce prendrait la forme d'un hard Brexit. Cela devrait être évité car le gouvernement de Boris Johnson et l'Europe se sont accordés sur des principes de relations futures.
La chancelière Angela Merkel fait tout son possible pour qu'il y ait un accord, tout comme les lobbies industriels européens et anglais. Il y a une obligation de réussite.