Le Temps - (28.08.2023) - S’ils connaissent aujourd’hui une période plus difficile, les marchés privés ont, sur les vingt dernières années, mieux performé que les indices des marchés publics correspondants.

Au cours des dernières décennies, les marchés privés sont devenus une partie intégrante des marchés de capitaux. Ils offrent une alternative au financement sur les marchés publics et représentent un outil de diversification pour les portefeuilles des investisseurs institutionnels, tout en assurant une certaine protection contre la volatilité des marchés ou les rebonds de l'inflation. Ils constituent en outre une autre source de financement lorsque la voie bancaire traditionnelle n’est pas disponible.

Depuis la crise financière globale de 2007-2008, les marchés privés – qui regroupent le ‘private equity’, la dette privée, l’immobilier privé et les infrastructures privées – ont démontré une réelle résilience. Ils ont bénéficié d’un contexte favorable, avec notamment des taux d'intérêt bas, la disponibilité du crédit, et des valorisations en hausse. S'ils connaissent aujourd’hui une période plus difficile, surtout en termes de collecte de fonds et de revalorisation, les marchés privés ont, sur les vingt dernières années, mieux performé que les indices des marchés publics correspondants[1].

L'attrait de ce segment a été identifié à la fois par les investisseurs institutionnels (fonds de pension, compagnies d'assurance, family offices) et par les clients privés. Est-ce vraiment surprenant ? Après tout, les investisseurs non institutionnels recherchent les mêmes avantages que les institutionnels – profil de risque/rendement attractif, diversification, faible corrélation aux marchés publics, et accès à de nouvelles stratégies.

Bien que les investisseurs institutionnels restent les plus grands contributeurs sur les marchés privés, ces derniers sont – et il faut le saluer – de plus en plus accessibles à une clientèle plus large.

Parmi les différentes façons d’y accéder via des placements collectifs, il en existe deux qui méritent une attention particulière. La première consiste à investir au travers d’un fonds dans des fonds sous-jacents (fonds de fonds). Cela présente plusieurs atouts, comme un ‘sourcing’ plus simple, des partenariats avec des gérants établis – les ‘General Partners’ (GP) – et une forte diversification, avec un risque plutôt limité. Quant à la seconde option, il s’agit d’investir par le biais d’un fonds dans des co-investissements, ce qui attire de plus en plus d’investisseurs institutionnels. Elle leur permet de profiter de l'expérience du GP en tant que gérant, de son vaste réseau pour trouver des opportunités d’investissement, mais aussi de frais réduits, et d'un potentiel de performance supérieure, même si ceci implique une exposition à un nombre plus restreint de transactions, donc un risque plus élevé.

Nous voyons certes des avantages à investir dans chaque classe d’actifs, mais force est de constater que les infrastructures privées ont particulièrement le vent en poupe ces dernières années. En Suisse, cet appétit a été renforcé par l’amendement à l’Ordonnance sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (OPP 2), qui autorise jusqu'à 10% d'allocation dans la classe d'actifs, en dehors de la poche des investissements alternatifs. Selon Preqin, les montants levés en infrastructures privées ont totalisé USD 32,3 milliards au 2e trimestre 2023 en Europe, une grande partie ayant été consacrée à la transition énergétique. A fin septembre 2022, les actifs sous gestion dans les infrastructures non cotées se montaient à USD 454,5 milliards, dont USD 321,3 milliards dans la transition énergétique[2]. Les récents événements géopolitiques ont accéléré l’investissement dans l’indépendance énergétique, d’où l’accent mis sur les renouvelables. Les actifs d’infrastructure ont également prouvé leur résilience lors des ralentissements économiques, notamment durant la pandémie et dans un environnement inflationniste. Jusqu'à présent, les performances financières et les valorisations au sein des infrastructures sont restées solides. La transformation de certains secteurs de la société nécessitera d’investir dans de nouveaux actifs d'infrastructure, ou d’adapter les actifs existants – par exemple les capacités d'énergie verte, le stockage d’énergie, les réseaux, le traitement de l'eau et des déchets, le recyclage, la décarbonation des transports, ou encore la transmission et le stockage des données.

Ces évolutions ouvrent la voie à la prochaine génération d'infrastructures, tout en conservant les caractéristiques clés de la classe d'actifs: protection contre le risque baissier, cash-flows visibles ou récurrents, fortes barrières à l'entrée, faible volatilité, couverture face à l'inflation, solide cadre réglementaire. Rien d’étonnant donc à ce que les investisseurs institutionnels s’orientent de plus en plus vers les infrastructures privées, avec un bilan si remarquable, sans parler de l’opportunité d'investir sur des marchés où les financements publics et ceux des entreprises seront vite à bout de souffle.

 


[1] Source: Hamilton Lane Data via Cobalt, Bloomberg (janvier 2023)

[2] Rapport Preqin: Infrastructure and Energy Transition in Europe - Q2 2023

christophe-gantenbein christophe-gantenbein
Global Head Private Markets Institutional Solutions

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