Chez UBP Monaco, comme dans beaucoup de banques privées, l’usage de l’IA reste très prudent. La CEO Sérène El Masri explique pourquoi.
Quels sont les usages de l’IA chez UBP Monaco ?
L’IA est présente dans le secteur financier depuis longtemps mais l’usage reste très prudent. Parce que nous sommes une banque privée, le client doit pouvoir parler à son banquier à tout moment. La logique est complètement différente par rapport à une banque de détail qui va autonomiser le client. Bien évidemment, nos clients peuvent regarder la position de leur portefeuille ou leur position en matière de crédit, demander une carte de crédit en ligne ou encore bloquer leur carte bancaire, etc. Nous avons beaucoup d’outils, mais c’est un choix volontaire de privilégier la discussion lorsqu’il s’agit d’effectuer des opérations de trading, ou de vendre ou d’acheter des produits financiers. Les institutionnels comme les gérants de fortune externes, qui traitent directement pour les comptes des clients qu’ils nous ont introduits, peuvent, eux, en revanche traiter online sur notre plateforme électronique.
En clair vous estimez qu’en banque privée, soit la majorité des établissements de la place bancaire monégasque, il n’y a pas besoin de chatbot ?
Surtout pas de chatbot ! Chez UBP, il y a toujours quelqu’un en ligne pour répondre à la moindre question. C’est vraiment le contre-pied le plus absolu de l’IA, de la standardisation, de la recherche d’économies d’échelle.
En revanche, nous l’utilisons depuis longtemps en matière de gestion du risque de fraude ou de blanchiment d’argent par exemple. L’IA génère une alerte en cas de transaction atypique. Et cette alerte peut appeler à une analyse beaucoup plus approfondie pour voir si, in fine, la transaction est suspecte. Il faut noter que le traitement de l’alerte, l’analyse sont, eux, complètement manuels et font appel au ‘ juge humain’.
Des réflexions sont en cours ?
Nous sommes en train d’analyser l’utilisation de l’IA pour la gestion du risque crédit comme le font déjà les banques américaines, ou les banques de détail françaises, pour identifier le niveau de risque de crédit du client voire estimer son risque de défaut. Mais nous n’en sommes pas encore là… A nouveau, dans la banque privée, chaque client est différent, tout comme chaque opération est différente. Cela limite donc le recours à l’IA, qui est souvent basée sur des modèles de « pattern recognition ».
Pour l’IA, vous avez mis en place un comité justement ?
Non, nous attendons les directives de la Banque de France. En revanche, notre Data Protection Officer est très attentif à l’utilisation qui peut être faite de l’IA, notamment au niveau de l’usage des données.
Le risque dans notre secteur est très significatif. Nous sommes classés OIV. L’ancien responsable de la SEC a d’ailleurs rappelé publiquement le danger des « deepfakes » et des campagnes de désinformation, dopées par l’IA, qui peuvent déstabiliser un marché financier, et totalement créer une panique chez les déposants...
Vous avez créé vos propres outils d’IA ?
Absolument car il existe trop de risques de perte, de déperdition des données. Je lisais que sur les 11 % des employés d’entreprises aux Etats-Unis utilisant ChatGPT, 5 % ont déjà dévoilé des données confidentielles propres à leur entreprise ! C’est pourquoi, comme beaucoup de banques, on a interdit l’utilisation complètement de tout outil d’intelligence artificielle générative externe. Nous avons développé en interne un outil propre à nos besoins. À noter que cet outil d’IA interne hyper régulé respecte également la réglementation européenne : il nous est interdit de taper le nom d’un employé, d’un client, d’un prospect, etc., pour éviter, de la même manière, de l’alimenter en données confidentielles.
Selon un rapport de McKinsey, l’adoption de l’IA générative dans les banques européennes devrait croître de 30 % par an d’ici 2026. Avec une augmentation prévue de 45 % des cas d’usage dans les services. Cette évolution concerne principalement les banques de détail selon vous ?
C’est statistique. En banque privée, on gère peu de clients, et ceux- ci ont des besoins plus complexes. L’utilisation de la big data est limitée à la différence des banques de détail, qui ont besoin d’automatiser le plus de tâches possible et d’autonomiser le client avec des chatbots alimentés par l’IA notamment conversationnelle… De la même manière, utiliser l’IA pour générer des recommandations personnalisées en matière d’ingénierie patrimoniale ou d’investissement ne correspond pas à ce que souhaitent nos clients, y compris les plus jeunes, plus tech-aware et tech-demandeurs. Nous sondons régulièrement les enfants de nos clients qui ont entre 20 et 30 ans. Ils veulent pouvoir venir à la banque et parler à un conseiller financier.
C’est quoi le profil de la clientèle d’UBP Monaco ?
Nos clients sont à 70 % des résidents monégasques. Généralement, ils ont déjà vendu leurs entreprises et puis, ils se sont installés à Monaco. Ou alors, ils sont encore propriétaires d’entreprises au sens actionnaire, mais ils ont délégué la gestion de l’entreprise à leurs enfants ou à une équipe de professionnels. Nous avons beaucoup de femmes comme clientes dans cette banque, peut-être parce que qu’UBP Monaco est la seule banque à avoir deux femmes exerçant des fonctions effectives de Direction, ce qui est une première dans l’histoire du secteur bancaire monégasque.