Le Temps (06.11.2023) - Ces deux dernières années, les stratégies d’impact ont connu une évolution plutôt décevante comparé notamment à celles centrées sur les valeurs phares de la technologie.
La patience et les convictions des investisseurs ont donc été mises à rude épreuve. Certains en sont ainsi venus à se demander si – outre ses bienfaits pour la durabilité – ce type d’investissement était capable de tenir ses promesses en termes de rendement.
Un puissant moteur de croissance pour l’avenir
Même si les consommateurs semblent aujourd’hui davantage préoccupés par leur pouvoir d’achat que par la planète, la question du réchauffement climatique et de la protection de l’environnement n’est pas près de disparaître. Les événements extrêmes des derniers mois nous rappellent l’urgence d’agir, et sans réponse efficace, ces difficultés ne feront que s’aggraver. Qu’on le veuille ou non, la problématique environnementale est devenue incontournable, à tel point que, pour la première fois, les dirigeants mondiaux[1] la considèrent comme le risque n°1.
Outre son importance pour notre avenir, cette thématique représente aussi une opportunité considérable pour les entreprises qui sauront y répondre. En effet, après la révolution industrielle du 19e siècle et celle des nouvelles technologies dans les années 1990, on devrait assister à une véritable «révolution environnementale» ces prochaines années. Le passage à une économie plus durable est appelé à transformer nos sociétés, et les moteurs de la future croissance économique mondiale seront les secteurs liés à la transition énergétique, au changement climatique, au maintien de la biodiversité et à la gestion des ressources naturelles. Des investissements massifs sont attendus dans ces secteurs, dont les leaders devraient connaître une croissance rapide.
Deux années en demi-teinte
Force est de reconnaître que des investisseurs qui sont entrés dans les stratégies d’impact sur les 24 derniers mois peuvent être déçus de leurs résultats. Il aurait en effet été plus avantageux d’investir dans le luxe, les leaders de la Tech, ou le pétrole et le gaz. Mais dans ce cas précis des matières premières, si la priorité a été donnée aux énergies fossiles pour faire face à l’urgence liée au conflit en Ukraine, cela a également eu pour effet de rappeler l’importance de l’indépendance énergétique. Or, celle-ci passera irrémédiablement par l’essor des énergies renouvelables, profitant ainsi aux sociétés d’impact.
Par ailleurs, il convient de relativiser les performances des stratégies dans ce domaine. En effet, depuis deux ans, elles apparaissent comme inférieures à celles des grands indices boursiers. Notons cependant que ces derniers sont principalement tirés par les poids lourds pétroliers ou technologiques américains, qui sont largement surpondérés au sein de ces mêmes indices, et l’appréciation est donc biaisée. Ainsi, depuis le début de l’année (au 24.10.2023), le S&P 500 s’est inscrit à +11,7%, alors que son équivalent équipondéré, le S&P 500 Equal Weight, a terminé à -2,0%. Il en va de même pour l’indice mondial MSCI, qui a fini à +7,9%, contre -3,4% pour sa variante équipondérée.
Tout d’abord, pour les stratégies d’impact comme pour tout investissement en actions, il est essentiel d’adopter une optique à long terme. Avec un horizon d’au moins 3 à 5 ans, les perspectives supérieures de ce secteur devraient faire oublier la relative déception des deux dernières années. Rappelons qu’après l’éclatement de la bulle «dot-com» en 2000, le Nasdaq avait littéralement plongé, et il se situe aujourd’hui à un niveau près de 6 fois supérieur à celui observé alors. Cet accident de parcours a donc été bien plus qu’effacé. Avoir raison avant tout le monde ne paie pas toujours, mais investir «en avance de phase» permet d’espérer des rendements significatifs.
Toutefois, lorsqu’on investit dans le domaine de l’Impact, où les changements sont très rapides, il est indispensable de faire appel à des gérants actifs ayant la capacité d’identifier les gagnants de demain. Autrement dit, les entreprises qui sauront s’adapter au progrès technique et à l’évolution du marché, mais aussi améliorer leur profitabilité. Car certains leaders d’aujourd’hui peuvent perdre leur avance, comme ce fut le cas, dans la Tech, pour Nokia, Yahoo et bien d’autres.
Par ailleurs, étant donné qu’il n’existe pas (encore) d’indice boursier centré sur l’Impact, les performances des stratégies axées sur cette thématique sont difficilement comparables à celles des indices actions. L’objectif du gérant et de l’investisseur en Impact devrait donc plutôt consister à surpasser le rendement historique moyen des actions, soit 7 à 8% par an ou, le cas échéant, à surperformer l’indice de référence, à condition de considérer uniquement sa variante équipondérée.
Quoi qu’il en soit, en matière d’allocation d’actifs, la diversification reste primordiale. De la même manière qu’il ne serait pas judicieux de mettre tous ses œufs dans le seul panier de la Tech, il semble pertinent d’opter pour une pondération maximale de 20% sur les stratégies d’impact.
Ainsi, même si ce type d’investissement peine à trouver son envol dans un environnement marqué par deux guerres et un engouement excessif pour les mastodontes de la Tech, la force de cette tendance séculaire mondiale finira par s’imposer. Bonne nouvelle: au vu de la relative décote des sociétés d’impact à l’heure actuelle, le moment paraît idéal pour investir dans cette thématique.
[1] Source: The Global Risks Report 2020, World Economic Forum.
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