Agefi Indices - Mars 2023 - Les investissements privés en infrastructures ont dépassé les USD 1’000 milliards en actifs sous gestion à l'échelle mondiale pour la première fois en 2021-2022, avec une croissance attendue de 116% sur les cinq prochaines années.

Ceci en fait la classe d'actifs avec la croissance la plus rapide sur les marchés privés et alternatifs. Début 2023, près de 350 fonds d’infrastructure étaient en cours de levée, avec un objectif de plus d’USD 250 milliards.

Les craintes inflationnistes, l’instabilité géopolitique, la recherche d’indépendance énergétique, et les investissements massifs nécessaires à la transition énergétique, environnementale, digitale et vers les nouvelles mobilités sont les principaux moteurs de cette croissance. Le financement privé des infrastructures permet aussi de remédier au manque de budgets des gouvernements et des entreprises dans ce domaine.

L’appétit croissant pour cette classe d’actifs tient également à sa résilience aux cycles de marché, à sa faible corrélation aux autres classes d’actifs, et à sa capacité à fournir une protection contre l’inflation. Le caractère essentiel des actifs d’infrastructure, couplé souvent à de fortes barrières à l’entrée, se traduit par des flux de trésorerie prévisibles et à long terme, ainsi que des rendements stables et attrayants, tout en contribuant à réduire la volatilité en portefeuille.

La construction et l’exploitation des infrastructures étant responsables de 79% des émissions globales, il est urgent d’investir dans des infrastructures durables, notamment pour atteindre les objectifs mondiaux de décarbonation. Les acteurs financiers ont un rôle majeur à jouer dans cette transition en concentrant les investissements sur les nouvelles générations d’infrastructures – plus vertes, plus durables, plus connectées et socialement plus responsables, et qui représentent la colonne vertébrale d’une économie plus efficace.

Et nombreuses sont les opportunités d’investissement attractives pouvant contribuer à la transition dans chaque domaine:

La transition énergétique

Face à l’augmentation de la population et de l’urbanisation, et avec une économie mondiale qui devrait voir sa taille doubler d’ici à 2045, la demande d’énergie pourrait croître d’environ 30% sur cette période(1). Les menaces de réchauffement climatique appellent aussi à une action urgente. Quelque 140 pays responsables de 90% des émissions de gaz à effet de serre(2) ont annoncé adopter, ou envisagé d’adopter, des objectifs de carboneutralité, impliquant une décarbonation de l’économie.

D’ici à 2050, près de 90% de la production d’électricité devra provenir de sources propres(3), ce qui nécessitera jusqu’à USD 30’000 milliards d’investissements dans les infrastructures d’énergie propre d’ici à 2040. Cette tendance à l’énergie propre s’est nettement accélérée alors que l’Europe vise une plus grande indépendance énergétique dans le contexte du conflit en Ukraine. Les gouvernements soutiennent ces transitions par des mesures prenant la forme de taxonomie(4) et de réglementations(5). La loi IRA (Inflation Reduction Act) aux Etats-Unis et le plan REPowerEU en Europe entendent inciter à davantage de dépenses en faveur de la transition.

Le solaire et l’éolien devraient représenter 70% du bouquet énergétique d’ici à 2050. Toutefois, les investissements pour soutenir la transition ne se limitent pas à de nouvelles capacités de production d’énergies renouvelables. Il existe également de nombreuses opportunités de déploiement de capitaux dans les installations de stockage et de transport d’électricité, ainsi que pour l’amélioration et la stabilisation des réseaux.

Facteur clé de la transition, l’efficience énergétique représentera plus de 40% des réductions d’émissions nécessaires d’ici à 2040.

La demande d’hydrogène vert devrait aussi augmenter de 7 fois d’ici à 2050.

Enfin, des investissements massifs sont nécessaires pour diminuer l’empreinte carbone dans l’industrie, et notamment les secteurs de la construction, et les systèmes de chauffage et de refroidissement urbains.

La transition environnementale

L’accent est également mis sur les services environnementaux, d’eau et de déchets. Le recyclage est encore bien trop peu développé dans certaines économies européennes, avec seulement 15% des plastiques recyclés chaque année, selon McKinsey. Or, le recyclage est essentiel à une économie circulaire. Des investissements sont aussi nécessaires pour la transformation des déchets en énergie. Enfin, les infrastructures de distribution d’eau potable et de traitement des eaux usées doivent également être améliorées, et les nouvelles technologies permettront de contrôler et réduire la consommation.

La digitalisation

La pandémie a accéléré la digitalisation de l’économie, tout en mettant en lumière les inégalités en termes d’accès et de connectivité, cette dernière s’étant avérée essentielle au maintien de la cohésion sociale.

La demande de transport, stockage et traitement des données s’est considérablement renforcée avec le travail à distance, l’Internet of Things, l’intelligence artificielle, le ‘cloud’ et les ‘smart cities’. Cela suscite ainsi une demande croissante de connectivité sans fil, de fibre optique, de tours et d’antennes 5G, et de ‘data centres’. Les dépenses gouvernementales, la réglementation et la coopération internationale appuient cette transition. Brookfield estime à plus d’USD 1’000 milliards les investissements nécessaires d’ici à cinq ans au niveau global dans les infrastructures liées aux données.

La fibre devrait atteindre 67% de foyers européens supplémentaires d’ici à 2026. Les besoins de capitaux sont considérables pour déployer les réseaux et résorber les disparités d’accès à la fibre(6). Le déploiement de la 5G, puis de la 6G, est en cours, en particulier en Europe, ce qui requiert des investissements significatifs.

Les nouvelles mobilités

En 2021, la Commission européenne a publié une stratégie de mobilité durable et intelligente, visant une réduction de 90% des émissions de CO2 causées par les transports d’ici à 2050. Le secteur de la mobilité représente actuellement la plus grande part des émissions de gaz à effet de serre dans l’UE. L’adoption de véhicules électriques constituera une étape importante dans les progrès vers la neutralité climatique, accélérée par l’interdiction récente de l’UE de vendre de nouvelles voitures à combustibles fossiles d’ici à 2035. L’Agence internationale de l’énergie évalue à 300 millions le nombre de véhicules électriques nécessaires d’ici à 2030 pour atteindre le ‘net zéro’. Des investissements seront requis dans les points de recharge sur les routes, dans les parkings, et aux domiciles des utilisateurs. Les objectifs de l’UE se traduiront également par des transformations dans les transports publics et la mobilité urbaine, avec une priorité donnée aux tramways, bus et métros électriques, sans oublier la décarbonation du transport aérien et du fret.

En conclusion, les transitions vers davantage de durabilité créent de multiples opportunités d’investissement attractives dans les infrastructures visant à adapter les actifs existants et à en construire de nouveaux. Ces investissements dans les infrastructures de prochaine génération sont soutenus par des incitations publiques, de nouvelles réglementations, un afflux de capitaux privés, et des initiatives citoyennes.

(1)  Infrastructure 2022 Market Outlook. Carlyle, Décembre 2021

(2)  The Climate Action Tracker (CAT): climateactiontracker.org/global/cat-net-zero-target-evaluations

(3)  Bouckaert, Stéphanie, et al. Net Zero by 2050 – A Roadmap for the Global Energy Sector. IEA, Mai 2021

(4)  La taxonomie de l’UE définit 6 objectifs environnementaux et considère une activité économique comme durable si elle contribue à l’un de ces objectifs au moins.

(5)  Non-Financial Reporting Directive (NFDR) et Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR)

(6)  FTTH Forecast for Europe – Market forecasts 2021-2026. IEA, Septembre 2021

 

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Charlotte Dewynter
Head of Infrastructure

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