Les métaux ont reculé en raison des inquiétudes liées à une guerre commerciale accrue et à un fléchissement de la demande vu les dernières données en provenance de Chine – ralentissement du PIB pour le 3e trimestre et décélération de la production manufacturière. Nous avons cependant une vision plus positive sur les métaux industriels tout en conservant une position neutre. En effet, la Chine devrait continuer à répondre au conflit commercial en assouplissant son approche en termes de liquidité, comme elle l’a récemment fait via la réduction des réserves obligatoires des banques. Elle a en outre annoncé une baisse des impôts visant à accroître les revenus disponibles des ménages et à relancer la demande domestique. Le pays devrait par ailleurs renforcer ses dépenses d’infrastructure. Les prix des matières premières pourraient aussi largement profiter d’un apaisement du conflit commercial et d’un répit du côté de l’USD (après sa tendance haussière de plusieurs mois).
Le cas de l’or est particulièrement intéressant. Il n’a guère suscité d’attrait en tant que valeur refuge depuis le début de l’année, face aux turbulences commerciales ou à la situation en Europe (Brexit, budget italien, etc.). Les prix du métal jaune n’ont décollé que récemment, sous l’effet principalement du mouvement de «sell-off» sur les marchés actions globaux dû aux attentes d’un resserrement monétaire plus agressif outre-Atlantique et aux craintes d’une escalade des tensions commerciales. Les inquiétudes ont notamment porté sur un possible risque d’essoufflement de la croissance des marchés émergents venant peser sur la demande mondiale de métaux. Après l’agitation récente du marché, certains investisseurs ont spéculé sur un ralentissement du rythme des hausses de taux de la Fed mais il faudrait pour cela une correction nettement plus forte, même si la Réserve fédérale est déjà jugée «beaucoup trop stricte» par Donald Trump.
L’or présente un potentiel haussier limité, malgré son rebond actuel (dû aussi à la couverture de positions à découvert). Il devrait évoluer dans un canal étroit ces prochains mois vu la vigueur de l’activité américaine (croissance attendue du PIB pour le 3e trimestre autour de 3-3,5%) – et le resserrement monétaire de la Fed qui s’en suivra. Si l’économie fonctionne à plein régime c’est aussi car elle est plus fermée que celle de l’Europe, qui dépend davantage des échanges extérieurs.
Le marché du pétrole, quant à lui, se veut prudent compte tenu de la montée des tensions entre les Etats-Unis et l’Arabie saoudite après la disparition du journaliste Jamal Khashoggi. Cette crise géopolitique ainsi que l’entrée en vigueur des sanctions américaines contre l’Iran poussent les hedge funds à adopter une approche attentiste et à réduire leurs positions «long» ou «short», celles-ci atteignant des plus bas depuis deux ans.
Le prix du WTI a ainsi crû de 8% en septembre, les investisseurs s’inquiétant de la capacité de l’OPEP à combler la baisse des exportations iraniennes et le recul de la production du Venezuela. En octobre, le cours du baril a cédé 10%, l’Arabie saoudite ayant assuré ne pas avoir l’intention de faire du pétrole un outil politique, et alors que les réserves de brut américain continuaient à augmenter.
Les exportations d’Iran ont atteint, en septembre, leur plus bas en deux ans et demi (avec notamment une chute de 39% depuis avril), et la baisse devrait s’accentuer avec l’application des sanctions. Dans ce contexte, l’OPEP a néanmoins augmenté sa production, tout comme la Russie, qui a même battu un record dans l’ère post-soviétique en termes de barils/jour. La baisse des exportations iraniennes est par ailleurs contrée également par Donald Trump, qui donne l’impression d’œuvrer avec les Saoudiens pour plafonner les prix du pétrole et ainsi protéger les Américains d’une hausse des prix à la pompe.
Enfin, côté demande, un accord commercial entre Washington et Pékin permettrait naturellement d’apaiser les craintes des investisseurs, qui reconnaissent que la croissance de la demande mondiale ces prochaines années proviendra surtout de la Chine et de l’Inde. Les estimations restent stables sur la demande, avec en moyenne +1,5 million de barils/jour, mais cela pourrait changer si les effets de la guerre commerciale commençaient à impacter la demande chinoise.
Pierre Melki
Equity Analyst Advisory Services
Névine Pollini
Equity Analyst Advisory Services